L’exclusion de deux raffineurs russes du marché de Londres ravive les cours du palladium et du platine

La fébrilité des marchés observée en mars semble s’estomper alors que l’état de guerre s’inscrit dans la durée. Et tandis que les sanctions continuent à épargner les exportations russes de platinoïdes, c’est la décision du London Platinum and Palladium Market de suspendre l’accréditation de deux raffineurs russes qui a fait repartir les deux métaux à la hausse.

Le mois de mars avait été particulièrement mouvementé, avec le palladium battant un record historique pour retomber rapidement à un niveau d’avant crise. Le mois d’avril, au contraire, débutait dans une stabilité peu coutumière, le cours fluctuant légèrement autour des 2250$ l’once. Le platine, quant à lui, poursuivait depuis le 8 mars une lente décrue, passant de 1182 à 974$ l’once.

Cela, avant que, dans la journée du 8 avril, le palladium ne reparte à la hausse pour clôturer à 2424$ et que le platine ne reprenne quelques couleurs en s’appréciant de 2,3%.

La cause n’est pas à rechercher du côté des sanctions. Le Conseil européen, qui rendait public ce même jour un cinquième train de mesures, se refusait à nouveau à y intégrer les importations en platine et en palladium, indispensables à la production de pots catalytiques et donc à l’industrie automobile du Vieux Continent.

Non, la réaction des marchés est due, bien plutôt, aux quelques lignes publiées sur le site du London Platinum and Palladium Market (LPPM). L’institution britannique, référence sur le commerce des platinoïdes, faisait part, dans un bref communiqué, de sa décision de réviser sa Good Delivery List, qui recense les entreprises de raffinage accréditées et seules autorisées à proposer leurs lingots sur la place de Londres. Une modification avec, dans le viseur, deux grandes sociétés russes, Krastsvetmet et Prioksky Plant of Non-Ferrous Metals, qui traitent à elles deux l’essentiel du métal extrait dans le pays, et dont les produits sont donc à présent interdits de négociation.

Dans les jours qui ont suivi, le palladium a continué de progresser, jusqu’à 2544$ l’once le 11/04, puis s’est échangé autour des 2350$ jusqu’au 14. De son côté, le platine a culminé à 999$ l’once et s’est maintenu ensuite autour des 985$.

L’incidence de cette décision sur le plan industriel est encore incertaine. Ainsi, des sources proches du groupe russe Nornickel ont pu déclarer auprès de Reuters que, si ce choix du LPPM restreignait incontestablement les possibilités de vendre aux banques, cela n’affecterait en rien la capacité de fournir les entreprises étrangères en platinoïdes.

À l’inverse, d’autres commentateurs estiment que l’événement confortera un peu plus encore les industriels dans l’idée qu’il vaut mieux désormais privilégier les approvisionnements hors Russie.

Une industrie minière africaine qui gagne du terrain

Car ce mouvement de redéploiement est déjà bien enclenché. En témoignent les déclarations de Natascha Viljoen, PDG d’Amplats, groupe minier sud-africain qui a dominé le marché mondial des platinoïdes en 2021 avec 4,3 millions d’onces. Elle expliquait, en effet, être depuis le début de la guerre en Ukraine assaillie de sollicitations émanant de nouveaux clients. Des clients que la firme, dans un secteur qui privilégie traditionnellement les contrats de long terme et dans lequel les surplus n’abondent pas, ne sera pas en mesure de tous satisfaire.

Du côté de l’offre, les bouleversements actuels ne sont pas non plus sans conséquence. Le projet d’investissements de la société Tharisa pour extraire des platinoïdes de la mine de Karo, au Zimbabwe, peut être interprété comme le signe que des acteurs majeurs sont prêts à faire le pari que ces métaux se maintiendront à un prix élevé sur sur la durée.